La fin des conflits entre Tomorrowland et la SABAM ?
Jeudi 8 septembre 2022, Tomorrowland annonçait sur son site « le partenariat entre Tomorrowland et la SABAM : véritable valeur ajoutée pour le secteur de la musique ». Cette accord mettant un terme au conflit qui opposait la société ‘We Are One World’ ainsi que la SABAM depuis plus d’une décennie.
Quelle est le rôle de la SABAM ?
La SABAM est une société privée de droit belge spécialisée dans la perception, répartition et gestion des droits d’auteur[1]. L’intervention principale de cette société est de répertorier toutes les œuvres de ses auteurs affiliés afin de prélever le droit d’auteur pour chaque diffusion publique de l’œuvre en question. Afin que l’auteur puisse bénéficier de ce droit, l’adhésion à la SABAM est nécessaire.
Il faut cependant bien faire la distinction entre la protection de l’œuvre, qui est acquise dès la publication de cette dernière, sans formalité, et la gestion des droits d’auteur qui s’effectue par la SABAM. Une fois que l’auteur a adhéré à la société, toutes ses œuvres se verront listées dans la base de données de la SABAM afin qu’il puisse percevoir une rétribution pour l’utilisation publique de son œuvre.
Origine du conflit entre Tomorrowland et la SABAM
Le festival belge, désormais réputé dans le monde entier, a fait sa renommée grâce aux nombreux DJ qui reprenaient des morceaux internationalement connus afin de les remixer sous leurs meilleures formes. Comme conséquence, Tomorrowland devait payer à la SABAM les droits d’auteur des morceaux repris par les DJ lors de leurs performances sur scène.
Lors de l’édition de 2010, la SABAM avait été surprise lorsque Tomorrowland avait rendu ses comptes en se basant sur un nombre tournant autour des 8.000 festivaliers alors que le festival affichait complet avec plus de 120.000 tickets vendus. Ces comptes faussés créant un manque à gagner pour les auteurs, la société belge avait, en 2013, saisi la justice pour régler ce différend.
Une décision fut prononcée, condamnant le festival à rembourser sa dette à la SABAM. De plus, cette dernière avait introduit une action en cessation interdisant la société « We Are One World » d’exploiter les œuvres protégées par la SABAM lors du déroulement du festival.
Une fois la décision contestée par Tomorrowland, s’en est suivi de nombreux litiges, le festival techno avançant que l’expérience unique offerte aux festivaliers justifiait que les recettes brutes ne soient affectées aux droits d’auteur qu’après déductions faites des frais liés à l’organisation du festival. La Cour de Justice de l’Union européenne avait été saisie à ce sujet, et dans son arrêt[2] quelle date ? a jugé que vu l’ampleur de l’utilisation des œuvres musicales, l’argument avancé par We Are One World ne pouvait être recevable. Cette affaire a mené la Cour de Justice a inséré dans la Directive 2019/190, une obligation de transparence afin de protéger les auteurs sur l’utilisation de leurs œuvres.
Après de nombreuses années de conflits, les organisateurs de Tomorrowland ainsi que la SABAM ont trouvé un accord afin de pouvoir calculer les droits d’auteur avec cette méthode : le fingerprinting. Cette dernière permet de reconnaitre les morceaux joués sur scène en direct et de pouvoir, ensuite, retenir les droits d’auteur que chaque artiste pourra percevoir. Cette technique, déjà utilisée par la SABAM pour les morceaux diffusés à la radio, permettra une distribution des profits aux auteurs de manière plus juste afin que leur rétribution leur soit due.
La rémunération des droits d’auteur en Belgique
Cette affaire pose la question de l’efficacité de la rétribution des auteurs pour leurs œuvres lorsqu’elles sont utilisées. Les droits d’auteur sont aussi bien des droits patrimoniaux que des droits moraux. En effet, le titulaire de l’œuvre peut donner l’autorisation d’exploiter son œuvre en vue d’une reproduction ou de la communication de cette dernière, en contrepartie d’une rétribution[3]. Le droit d’auteur permet aux ayants droit de profiter des bénéfices proportionnels aux recettes tirées de l’exploitation de l’œuvre. Faut-il encore que les exploitants tels que Tomorrowland respectent les droits d’auteur, ce que la SABAM tentera de contrôler à travers le recours au fingerprinting.
Ecrit par Valentine Maisse
[1] SABAM, site officiel : https://www.sabam.be/fr/la-sabam/qui-sommes-nous, consulté le vendredi 23 septembre 2022.
[2] C.J., arrêt Belgische Vereniging van Auteurs, Compoonisten en Uitgevers CVBA (SABAM) c. Weareone.World BVBA, Wecandance NV, 25 novembre 2020, C-372/19, EU :C :2020 :959.
[3] F. YOUNG., « Les Essentiels III » dans Le droit des auteurs et autrices, 1e édition, Bruxelles, Larcier, 2022, p. 536-591.